SWISS NIGHT / DEXTER GORDON 4TET


(Steeplechase - 31050)
Dexter Gordon - tenor saxophone / Kenny Drew - piano / Niels-Henning Orsted Pedersen - bass / Alex Riel - drums
Enregistrement « live » réalisé au « Zurich Jazz Festival » les 23 et 24 aout 1975


C’était au temps où Bertrand Tavernier n’avait pas encore réalisé son film Autour de minuit, où les idées préconçues sur le monde du jazz n’étaient pas revétues d’images figées, fixant à jamais une vision assassine du musicien type, du jazz politiquement correct ; celui là même que certains aujourd’hui s’efforcent de refaire en vain, la facilité de l’inutile autorisé et cautionné, enfin les temps changent.
La « classe » des années 50 et les films américains ne représentent quelque chose qu’au regard de ceux qui ont vécu cette époque, et quelque part je les envie... 
Ceci posé, j’adore écouter cette musique.

Swiss Nights , réalisé en public lors du festival de jazz de Zurich en 1975, s’ouvre avec le blues de Sonny Rollins Tenor madness . C’est, bien sûr, la leçon de swing sur fond de tradition. 
La rythmique sonne « terrible » - on s’en serait douté (quoique...) - NHOP à la basse, Alex Riel à la batterie et Kenny Drew au piano donnent l’exemple, montrent presque la voie à suivre, à tous ceux qui, comme moi, ont été friands de connaissances ayant trait au bebop traditionnel. je veux dire la vraie connaissance, celle qui allie à la fois les données musicales (phrasés, articulations, drive, walking bass, voicings pianistiques, interactions, etc...) à l’état d’esprit qui se dégage de ce très bel enregistrement public. 
Les interventions d’Alex Riel sont plus que pertinentes, elles sont généreuses et débordent du plaisir qu’il prend, incontestablement, à jouer ces standards avec Dexter. 
Les 12 / 12 , puis les 4 / 8 sur ce blues nous permettent d’apprécier les qualités de ce grand batteur en ce qui concerne tout particulièrement son sens de la construction dynamique sur ces exercices de formes qui doivent rester - à mon sens - ludiques mais maîtrisés...
NHOP est, comme toujours lorsqu’il accompagne, incomparable d’efficacité, son timing est unique, et ses solos, globalement moins virtuoses que sur d’autres enregistrements (moins de doubles croches bombardées...), reflètent davantage un souci mélodique, une action vers le chant ainsi qu’une volonté de ne pas trahir l’osmose du quartet.
Kenny Drew : c’est somptueux ! Un très beau touché associé à un « comping » et à un phrasé qui ne fait jamais défaut.
Dexter enfin est magnifique ! Le son, les citations humoristiques d’autres thèmes, tout y est ! Je retiendrai toutefois plus particulièrement de ce disque la magnifique ballade You’ve Changed et The Day Of Wine & Roses sur lesquels Dexter se place et joue merveilleusement.

Le disque se clôture avec deux compositions de Dexter intitulées respectivement : The Panther et Montmartre/The Theme
Le premier est un curieux blues binaire/ternaire à découvrir absolument et le second morceau est un thème plus vif à la tonalité générale mineure sur lequel Dexter cite une fois encore les nombreux thèmes joués sur ce type d’harmonies. 
Alex Riel développe un solo tout en phrasé où la conduite d’énergie - notamment en ce qui concerne le « drive » - est une véritable leçon pour les batteurs qui souhaitent intégrer ce style de jeu.

A écouter souvent pour imprégnation.


Article mis en ligne le 13 octobre 2009 par Xavier Deloeil